Dernières pages, derniers plans

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Ce colloque s’inscrit à la suite de rencontres entre chercheurs internationaux organisés par l’ERIBIA (ERIBIA (Equipe de recherche interdisciplinaire
sur la Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Amérique du nord) sur les fins heureuses (2009), l’inachevé (2011) et les migrations de personnages (2014).  Il s’agit maintenant de s’intéresser à l’adaptation des dernières pages d’un roman à l’écran.

Notre propos sera de mesurer et commenter les enjeux de l’adaptation à l’écran de la fin d’un roman. Une adaptation est le produit d’une lecture d’une œuvre littéraire,une appropriation donnant lieu à une représentation visuelle et auditive qui peut aller jusqu’à une modification de la fin du texte-source. Or la fin dans le roman est à la fois le lieu où les conventions règnent mais aussi celui où l’auteur affirme le plus le défi ou la distance qu’il ou elle prend à l’égard des conventions (Larroux). Ceci se vérifie-t-il au cinéma ? Le point de vue du metteur en scène/réalisateur se substitue-t-il à celui du romancier ? La fin d’un film est-elle le marqueur d’adhésion à la tradition ou bien de subversion des codes ? Les films classiques s’achèvent sur une scène de résolution, suivie d’un épilogue (Bordwell), calquant ainsi le roman traditionnel, mais on rencontre également fréquemment des changements narratifs et structurels, et les raisons de ces changements nombreux : on connaît la tendance des films hollywoodiens à imposer ou renforcer un « happy end », les adaptations de Jane Austen en « romance » constituant un exemple frappant de la volonté de plaire au plus grand nombre. Cette tendance est amplifiée dans les dessins animés adaptés de contes de fées, qui continuent de modifier la fin, comme en témoigne La petite sirène (1989)de Walt Disney, pour ne pas brusquer les sensibilités des enfants (ou leurs parents). Les producteurs du récent Gone Girl (2014) ont valorisé  l’adaptation filmique en annonçant une réécriture de la fin, pour garder le suspense que les lecteurs du roman ont ressenti lors de leur première lecture, ou alors pour rectifier une fin qui n’a pas fait l’unanimité.

Au-delà de ces transformations opérées dans le récit, le passage à l’écran implique bien sûr de nécessaires modifications structurelles, ne serait-ce que pour négocier le passage des dernières images au générique de fin, ou le passage d’un dernier chapitre aux derniers plans. On pourra comparer les stratégies de clôture et de non-clôture lors du passage à l’écran. Si l’on pense, par exemple, à la question des fins ouvertes, les « Scenic endings » (Torgovnik), fréquents dans les romans d’Henry James et inspirés du théâtre, se terminent sur un dialogue en cours, sans intervention du narrateur qui énoncerait une conclusion et un épilogue : trouve-t-on leur équivalent à l’écran ? ou l’adaptation tend-t-elle à offrir une fin plus fermée ? Lorsqu’il s’agit de l’immédiateté éternel de la télévision, où la fin (ou la continuation) d’un récit se décide le plus souvent en fonction de l’audience ou du dictat des network et non par choix des créateurs, ces changements structurels sont encore plus évidents.

On pourra ainsi s’intéresser aux modifications idéologiques opérées lors l’adaptation des dernières pages à l’écran (de cinéma ou télévisuel) ou aux positions esthétiques prises dans les modifications apportées ou au contraire dans le choix de rester au plus près du texte.

 

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